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Selon la Constitution du Cameroun, la protection sociale des personnes âgées est une exigence de solidarité nationale : « la nation protège les femmes, les jeunes, les personnes handicapées et les personnes âgées ». Par ailleurs, les dispositions du code civil et pénal (article 180) et des avant-projets de code des personnes et de la famille, visent à contraindre les enfants défaillants à s’occuper de leurs parents âgés. En outre, il est aussi important de noter que le droit social camerounais comporte un ensemble de textes organisant la protection sociale des personnes âgées admises à faire valoir leur droit à la retraite, notamment : la loi n°69/LF/18 du 10 novembre 1969 instituant un régime d’assurance de pension de vieillesse, d’invalidité et de décès, modifiée par la loi n°84 /007 du 04 juillet 1984 ou le décret n°77/495 du 07 octobre 1994 portant statut général de la fonction publique qui organise le régime des pensions de l’État servies aux agents publics retraités.
Selon le Recensement Général de la Population et l’Habitat (RGPH), la population du Cameroun en 2005 était de 17 463 836 habitants avec une faible population vieille et vieillissante (soit 5% de la population). En 2010, toujours selon le RGPH, on comptait 19 406 100 habitants et en 2013 (estimation au mois de juillet), on dénombrait 20 549 221 habitants. Le rythme d’accroissement annuel moyen de cet effectif étant d’environ 2,6% il n’est pas étonnant de voir que le nombre des personnes âgées dépasse le million.
Cette situation est d’autant plus alarmante lorsque le Secrétaire Général des Nations Unies dans son message lors de la journée des personnes âgées ajoute : « D’ici à 2050, les personnes âgées seront deux fois plus nombreuses que les enfants dans les pays développés, et il est prévu que leur nombre double dans les pays en développement. Cette tendance va retentir en profondeur sur les pays et les individus» . Tendance que le Cameroun devrait pouvoir anticipé d’ici à 2035.
Alors que la communauté internationale a célébré la journée internationale des personnes âgées dont le thème pour l’année 2013 était « le futur que nous voulons : ce que disent les personnes âgées », le Cameroun honorera à cet évènement à son tour, les 7et 8 Octobre prochains sous le thème : « ce que disent les personnes âgées : le futur que nous envisageons ». Seulement, cette journée réservée aux personnes du 3ème âge au Cameroun semble plutôt se dérouler sous un climat de paradoxe.
En effet, alors que le Ministère des Affaires Sociales a pour cette occasion, entrepris comme activités principales des campagnes de santé sur les maladies de personnes âgées, le 17 Septembre dernier à Yaoundé, les personnes du 3ème âge comme on les appelle généralement sont descendues dans les rues de la capitale pour manifester leur mécontentement par rapport aux non paiements de leurs primes de reconversion suite à leur licenciement après la crise économique de 1990 où un peu plus de 48 sociétés privées et parapubliques ont du fermer leurs portes.
Ils étaient environ 4000 à paralyser pendant des heures la circulation sur l’axe principal qui passe par la radio nationale, le Ministère des relations Extérieures et certaines banques dans la ville de Yaoundé. Partis plusieurs jours à l’avance, sans prise en charge aucune et, venant pour la plupart des différentes régions du pays, c’est devant ces banques et parfois devant le Ministère des Finances qu’ils passent leurs journées à attendre et à revendiquer à grand bruit leurs droits.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il semblerait bien que les besoins immédiats de ces « seniors » sont mal ou sous évalués au vue des plaintes incessantes de ceux-ci, souvent mal interprétés et mal compris. « 25 ans d’attente, c’est trop ! », « Nous réclamons le paiement intégral et immédiat du reliquat de tous nos droits sociaux » sont autant de revendications qu’on pouvait lire sur leurs pancartes, devant le Ministère des Finances. C’est à se demander si l’avenir comme énoncé par le thème de cette journée qui est, rappelons le : « l’avenir que nous voulons : ce que disent les personnes âgées», passe véritablement par ce que « disent et pensent » les personnes âgées au Cameroun ; quand on voit ce qu’est leur situation sociale, et quand on sait que si elles venaient à disparaitre ce serait une perte énorme pour l’émergence du Cameroun en 2035.
Selon cette citation célèbre de l’écrivain Malien HAMPATE BÂ qui dit que : « un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle », sans doute parce que la vieillesse est symbole de sagesse, de maturité, de savoirs, savoir-faire bref de grandes compétences. Voir que ceux-ci sont lésés et relégués au second plan ne peut rendre les choses meilleures parce que lorsqu’ils meurent, ils s’en vont avec toutes leurs compétences sans les avoir transmis au préalable à la jeune génération. Ce qui interpelle les Gouvernements du monde entier et surtout de celui du Cameroun où, la situation socio-économique des personnes âgées semble inquiéter de moins en moins. Pourtant, au même titre que les femmes et les enfants, ce sont des personnes « vulnérables », à cause de leur incapacité physique à faire face aux épreuves et exigences de la vie sociale.
Leur situation au Cameroun fait état d’un passé plus ou moins radieux, d’un présent incertain et d’un futur plutôt préoccupant. On dirait une société dans laquelle les valeurs traditionnelles de solidarité familiale ont commencé à se désagréger pour céder la place aux valeurs de modernité, où la notion de famille au sens large se réduit progressivement à celle de la famille nucléaire ou famille conjugale. Or en Afrique, il n’en était pas ainsi auparavant. Le respect des valeurs traditionnelles existait de même que les exigences affectives de solidarité familiale qui étaient reconnues, respectées et appliquées par tous les membres. Cependant, de plus en plus, la dégradation des mœurs sociales causée par les mutations de l’environnement externe (technologie, société, pensée etc.) fait en sorte qu’on ne reconnaisse même plus cette sagesse et expérience qu’on retrouve chez les personnes âgées et qui, autrefois ont aidé à construire le Cameroun et à lui donner son statut et son identité en tant que Nation de Paix.
Victimes de mauvais traitements, d’attitudes négatives, marginalisés et souvent exclus dans la prise de décision inhérente à leur situation sociale, il est évident que les personnes âgées au Cameroun sont véritablement un groupe au seuil de vulnérabilité très élevé. Ils font les frais d’une politique de protection sociale assez faible et assez limité. Ainsi, pour un Cameroun qui se veut émergent en 2035, et selon le thème proposé pour cette année, il est de bon ton qu’on intègre les personnes âgées dans les politiques, stratégies et objectifs de la vision de l’émergence du Cameroun; s’il est vrai que leurs avis comptent pour le futur que nous envisageons.
Il ne s’agit pas de restreindre cette journée à des activités « réduites » de campagnes de santé ou encore de distribution des produits de première nécessité pour ces « séniors » mais il s’agit par-dessus tout, de consulter ces « sages » afin qu’ils exposent leurs stratégies pour aider le Cameroun à se développer économiquement et à construire un futur rayonnant.
Il faudrait penser à anticiper à chaque fois sur leurs besoins essentiels. En d’autres termes, il s’agit de bien penser aux mesures de prise en charge des personnes âgées lorsqu’elles sont déplacées de leurs régions, département voire communes respectives (dans le cas du paiement des primes de reconversion par exemple). C’est-à-dire, qu’il faut prévoir un budget pour leur nutrition, hébergement, prise en charge sanitaire etc. même après le paiement de leurs primes.
C’est en cela que l’intervention du renforcement des régimes non-contributifs de protection sociale, qui s’effectue au travers de transferts réguliers de revenus ou en nature pour les personnes âgées dans les différentes collectivités décentralisées est un moyen pertinent pour « capitaliser » sur la capacité des personnes âgées à apporter leur pierre dans la construction de la vision de l’émergence du Cameroun.
En ce qui concerne le non paiement des primes de reconversion, tenant compte de leur état physique faible, on pourrait renvoyer les fonds dans diverses banques ou micro-finances des différentes régions du pays pour faciliter l’entrée en possession de leurs droits, tout en assurant une large diffusion de l’information, si possible dans différentes langues nationales. Il est aussi nécessaire d’intensifier et diversifier les campagnes de sensibilisation et d’information publique, dans le but d’approfondir la culture de la solidarité intergénérationnelle par le biais du Ministère des Affaires Sociales (MINAS).
Une telle société serait une collectivité au sein de laquelle, non seulement la hiérarchie entre membres de différentes générations est encore vivace, mais aussi la place et le statut privilégiés des personnes âgées en raison de leur sagesse et de leur expérience, seraient favorablement établis. Ce serait une société que nous rêvons où il y aurait une meilleure intégration des avis des personnes âgées qui en fin de compte, comptent.
Fosso Yimga Manuella est stagiaire de la politique à l’Institut Politique Nkafu de la Fondation Denis et Lenora Foretia.
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