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Par Kareen Atekem, MPH

Global Tuberculosis[dropcap type=”circle” color=”#FFFFFF” background=”#8C212A”]L[/dropcap]a tuberculose (TB), une maladie causée par l’organisme Mycobacterium tuberculosis, et transmise par des gouttelettes infectieuses, demeure l’une des plus meurtrières maladies transmissibles dans le monde. Selon les dernières données de l’OMS sur la tuberculose publiées en mai 2014, le Cameroun a été classé 25ème dans le monde, avec une mortalité spécifique atteignant 2,89%, soit 6267 décès au total. Selon le Plan stratégique national de lutte contre la tuberculeuse au Cameroun pour la période 2010-2014, la population âgée de 15 à 40 ans (tranche d’âge active de la population) est la plus touchée par la tuberculose. Selon les directives de l’OMS, le traitement de la tuberculose nécessite une période de six mois durant laquelle les malades doivent prendre trois à quatre comprimés chaque jour. Compte tenu de la nécessité de prendre autant de pilules, certains patients peuvent manquer les moments de prise des médicaments ainsi les dates de rendez-vous de collecte de médicaments dans les centres de traitement, ce qui conduit inévitablement à l’interruption du traitement, la rechute, et, dans le pire des cas entraine une résistance aux médicaments. La résistance aux médicaments antituberculeux est considérée comme un problème de santé publique et un obstacle majeur dans la lutte contre la tuberculose au Cameroun, le principal problème étant les Tuberculose multi-résistantes (MDR-TB).

Anti-TB Drug Resistance Burden au Cameroun

Globalement, on estime que 3,5% des nouveaux cas de tuberculose et 20,5% des cas déjà traités présentent une multi-résistance aux antituberculeux (OMS, 2014). En 2012, on estime que 450.000 personnes ont développé une tuberculose multi résistante, avec environ 170.000 décès dus à la MDR-TB. En 2013, on note une augmentation estimée à 480.000 nouveaux cas de Tuberculose multi-résistante dans le monde, et une augmentation d’environ 210 000 décès dus à la MDR-TB. Selon l’étude de la résistance aux médicaments en Afrique menée par Alwyn Mwinga, le Cameroun a enregistré le deuxième taux le plus de résistance aux médicaments chez des patients sans antécédents de traitement avec 38,1%, après le Ghana avec 54,5%. La prévalence de la résistance aux antituberculeux dans une étude à Yaoundé par Kuaban et al, a été estimée à 27,6%. Par aillaeurs, la prévalence de la résistance à au moins un médicament antituberculeux était de 27,7%, et la multi-résistance de 5,9%, selon une étude menée dans les régions du Nord-Ouest et le Sud-ouest du pays (Meriki et al., 2013).

Le fardeau économique de la résistance aux antituberculeux

L’émergence de la tuberculose multirésistante est une grande préoccupation car elle nécessite l’utilisation de médicaments de deuxième ligne qui sont difficiles à obtenir, et sont beaucoup plus toxiques et plus coûteux que ceux utilisés en traitement de première intention (Espinal et al., 2001). Le coût direct du traitement n’est pas directement pris en charge par les patients car les traitements contre la Tuberculose sont livrés gratuitement à tous les centres de traitement. Cependant, les patients supportent les coûts indirects liés à la prolongation de la période de traitement (une phase intensive d’une durée minimale de huit mois avec une durée totale de traitement d’au moins vingt mois). Le Rapport mondial de 2014 sur la tuberculose indique qu’il y a eu une augmentation significative du financement pour les Tuberculoses multi-résistantes, en comparativement à l’année 2009. Le coût par patient traité contre la tuberculose était généralement de l’ordre de US $ 100 – $ 1,000, et pour les Tuberculoses multi résistantes, le coût du traitement par patient varie d’une moyenne de 9235 $ US dans les pays à faible revenu, à US $ 48 553 dans les pays à revenu intermédiaire et supérieur. Le coût moyen des médicaments de première ligne utilisés dans le traitement de la tuberculose était de 46 $, comparativement à un coût moyen beaucoup plus élevé de 5,240 US $ pour les médicaments de deuxième ligne nécessaires pour traiter un patient avec une Tuberculose multi résistante. À la fin de l’année 2015, environ 20% des 8 milliards de US dollars requis par les pays à revenu faible et intermédiaire pour les soins et la lutte contre la Tuberculose sera nécessaire au traitement des Tuberculoses multi résistantes, soit une augmentation de 0,6% par rapport à l’année 2013 (OMS 2013 mettre à jour sur MDR-TB).

L’augmentation de la résistance aux antituberculeux, particulièrement les multi résistances, est le résultat de la mauvaise utilisation des médicaments anti-tuberculeux au cours du traitement de la tuberculose. Cette mauvaise utilisation inclue l’administration de doses et de schémas thérapeutiques inappropriés associés à l’incapacité de s’assurer que les patients prennent complètement et entièrement leur traitement. Ainsi, l’OMS recommande l’utilisation de la stratégie DOTS (‘’Directly Observed treatment, short course’’ / traitement directement observé, courte durée) comme une priorité pour un contrôle efficace de la tuberculose, et comme un moyen de réduire le développement des résistances aux médicaments. Le personnel de santé travaillant dans les centres de traitement doivent ainsi donner le traitement au malade et observer ce dernier avaler le médicament avant qu’il ne quitte le Centre de traitement. Malheureusement, cela ne se fait pas dans la plupart des centres de traitement en raison du manque de personnel de santé, et du fait qu’un nombre très importants de malades de tuberculose viennent chercher leurs médicaments sur une base quotidienne en suivant leurs dates de nomination.

Le gouvernement a mis sur pieds des outils afin de lutter contre cette maladie. Il s’agit par exemple du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), créé en 1996, dont le but est de lutter contre la tuberculose, réduire son incidence et sa prévalence à travers la formation et la supervision du personnel, concevoir, contrôler les outils de collecte et de monitoring des statistiques de la tuberculose. Le PNLT fournit également des médicaments antituberculeux et du matériel de laboratoire pour les hôpitaux de District.

La Surveillance : un défi majeur

Surveillance de la tuberculose multi résistante à travers la communication des données et la sensibilisation du public a été un défi majeur pour le PNLT. Le Cameroun ne dispose pas de données sur la surveillance nationale de la résistance aux médicaments. Le Ministère de la Santé publique, en collaboration avec les Services de Santé de District, doivent fournir davantage d’efforts pour améliorer la disponibilité des données et des estimations des tendances de MDR-TB, deux aspects importants dans la lutte contre la Tuberculose multi résistante. Cet effort conjoint permettra de soutenir et de renforcer la capacité de surveillance du système de santé. En outre, les défis du système de santé essentiels tels que: le nombre limité de centres de traitement, le manque d’accès aux services de diagnostic et de traitement, la pénurie en personnel de santé, la faiblesse des systèmes de suivi des malades pendant le traitement, et les interruptions dans l’approvisionnement médicaments antituberculeux entravent considérablement les efforts pour identifier et traiter efficacement les cas multi résistants.

Conclusion et recommandations

En conclusion, la résistance aux antituberculeux varie de la résistance à un seul antituberculeux à la résistance multiple, et à la Tuberculose ultrarésistante (XDR-TB), qui est une résistance à certains des médicaments antituberculeux les plus efficaces. Tuberculose ultrarésistante résulte d’une mauvaise gestion des personnes atteintes de Tuberculose multi résistante, et est associée à un taux de mortalité beaucoup plus élevé que celui de la MDR-TB; le résultat d’un nombre réduit d’options de traitement efficaces. Les principales mesures de lutte contre le problème de résistance aux médicaments antituberculeux en Afrique (Cameroun inclus) incluent le développement et la mise à l’échelle des procédures de gestion programmatique des résistances aux antituberculeux, l’établissement des systèmes de surveillance en laboratoire, et la mise en œuvre des mesures de contrôle de la tuberculose permettant de diagnostiquer et surveiller les MDR-TB et XDR TB. L’inaction dans le renforcement des programmes de lutte antituberculeuse avec des politiques efficaces pour la lutte contre les résistances aux médicaments peut conduire à une nouvelle épidémie ayant de graves conséquences pour la Santé Publique.

Perspectives

L’OMS a vu la nécessité d’évaluer le programme de neuf mois mis sur pieds au Bangladesh dans d’autres pays, ce à l’issue de l’essai clinique sur l’évaluation d’un régime de traitement standardisé par des antituberculeux pour les patients atteints de tuberculose multi-résistante (STREAM) au Bangladesh (Nunn et al., 2014). Le STREAM est un essai multicentrique randomisé comparant un régime de neuf mois de traitement à celui actuellement recommandé par l’OMS (quatorze à vingt mois). La longueur réduite du régime de traitement réduirait les enjeux liés au traitement de la Tuberculose multi résistante, aussi bien pour les patients que pour les systèmes de santé, produisant ainsi de meilleurs résultats.

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Kareen AtekemKareen Atekem, MPH, est une assistante de recherche en Analyse des Politiques de santé à l’Institut Politique Nkafu, un think tank camerounais au sein de la Fondation Denis et Lenora Foretia. Elle peut être contactée à [email protected]

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