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Par Nkafu Policy Institute (version pdf)

Resumé exécutif

L’objectif de ce rapport est d’analyser la contribution de la politique monétaire menée par la Banque des Etats de l’Afrique Centrale au renforcement de la résilience de l’économie camerounaise en 2020. Plus spécifiquement, il est question de voir si les décisions de politique monétaire prises par le Comité de Politique Monétaire (CPM) ont influencé le niveau général des prix, les taux effectifs globaux moyens pratiqués par les institutions financières ainsi que les opérations de dépôts et de crédits de ces dernières ; sans oublier la contribution des agrégats monétaires à la croissance. L’étude utilise des données de sources secondaires issues des bases de données de plusieurs institutions nationales, supranationales et internationales ainsi que des outils de l’analyse statistique.

En termes de résultats, il apparaît globalement que les actions menées par l’institut d’émission ont certes contribué au renforcement de la résilience macroéconomique au Cameroun en contexte de Covid-19 mais très faiblement. La principale raison est que la plupart des banques camerounaises sont surliquides et par conséquent sont insensibles à toute politique monétaire expansionniste de baisse du taux directeur. Les contributions des agrégats
monétaires ont très peu influencé le rythme de la croissance. L’évolution des taux effectifs globaux pratiqués par les banques créatrices de monnaie ainsi que des dépôts à vue, à terme et d’épargne des institutions financières n’ont pas évolué au même rythme que le taux directeur de la banque centrale, ce qui pénalise
la consommation et accentue des tensions inflationnistes. Au regard de ces résultats principaux, l’étude formule les recommandations suivantes :

  1. LaBanque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) par le biais de la Commission Bancaire en Afrique Centrale (COBAC) devrait multiplier les efforts afin d’inciter les banques commerciales à octroyer plus facilement les crédits aux particuliers et aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) camerounaises. Le CPM conformément à ses attributions peut exiger plus de réserves aux banques qui accorderaient moins de crédits aux agents économiques et réduire le taux de rémunération de leurs dépôts à vue et à terme auprès de la banque centrale. Elle peut également conditionner leur intervention au marché interbancaire, leur participation aux adjudications ainsi que l’octroi des facilités permanentes au strict respect de cette mesure.
  2. La BEAC devrait contraindre les banques secondaires d’arrimer convenablement leurs taux débiteurs et créditeurs suivant l’évolution du TIAO afin de rendre le canal des taux d’intérêts plus fonctionnel. Une telle mesure qui facilite l’accès au financement des PME renforcerait l’efficacité de la politique monétaire notamment en période de crise.
  3. La BEAC devrait envisager plutôt une politique de ciblage de l’inflation au détriment du ciblage du niveau des prix. En fixant les anticipations sur l’évolution des prix, le ciblage de l’inflation permettrait plus à la BEAC d’inciter les banques à faciliter l’accès au crédit, d’encourager les consommateurs à dépenser, tout en garantissant la stabilité financière et macroéconomique.

Vue d’ensemble

Avec une population estimée à près de 26 709 663 d’habitants en 2020 le Cameroun est un pays d’Afrique 1, Centrale, limitrophe avec le Nigéria, le Tchad, la
République Centrafricaine (RCA), la Républiquedu Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Golfe de Guinée. Le pays possède 10 Régions, 58 Départements et est peuplé par 283 ethnies. En raison de sa grande diversité climatologique, minière, géographique, culturelle et humaine, le Cameroun est qualifié d’Afrique en miniature. L’économie camerounaise qui représente plus de 40 % du PIB de la CEMAC, et est la plus diversifiée de la région. Elle repose essentiellement sur l’exploitation de divers produits d’exportation (pétrole, bois tropicaux, café arabica et robusta, cacao, caoutchouc, coton, banane, aluminium, huile de palme, etc.). Les recettes pétrolières représentent, en moyenne annuelle environ 12% des recettes totales du pays (LFR, 2020).

Cependant, depuis 2009, le pays fait face à une crise sécuritaire majeure engendrée par des incursions de la secte terroriste Boko Haram dans l’extrême-Nord, sans oublier les troubles socio-politiques dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest dont la situation sécuritaire s’est dégradée depuis fin
2016. La situation demeure instable dans ces régions malgré la tenue des toutes premières élections régionales. Après une phase de décélération suite à la crise des matières premières de 2014, la croissance de l’économie camerounaise s’était légèrement raffermie en 2018 (4,1 % contre 3,5 % en 2017) avant de ralentir à nouveau en 2019 (3,7 %).

Outre ces crises sécuritaires majeures, l’économie camerounaise subit depuis plusieurs mois, les effets de la pandémie liée à la propagation du nouveau coronavirus (Covid-19). Au nombre des répercussions économiques et sociales enregistrées depuis le déclenchement de la pandémie en mars 2020, on peut citer entre autres : le ralentissement de l’activité économique en raison des mesures de confinement mises en place pour freiner la propagation de la maladie, la chute de la demande interne et externe, la dépréciation du dollar américain de 2,1 % à 573,8 FCFA/dollar ; l’effondrement des cours sur le marché des produits de base notamment le pétrole brut (41,69 dollars/baril, contre 61,39 dollars/baril en 2019 soit une chute de 32,1%), la baisse conséquente des recettes d’exportation et
fiscales
(forte détérioration des termes de l’échange de près de 22,4 %), la révision du budget de l’état (établit à 4 409 milliards de Francs CFA au 3 juin 2020 contre 4 951,7 milliards de Francs CFA dans la Loi des finances adopté le 24 décembre 2019, soit une baisse de 542,7 milliards de Francs CFA), la révision des prévisions de croissance de 3,8 % à -3,5 % en 2020 par le FMI (2020) ; le déficit budgétaire à 4.5%°selon la loi des finances rectificative adoptée le 03 juin 2020 contre 1.5% initialement prévue) ; le déficit de la balance des paiements à 5.7% ; sans oublier la hausse de l’endettement public (estimée à 10164 milliards de FCFA, soit 45,8% du PIB contre8 384 milliards FCFA, soit 37,4% du PIB en 2019). Le Gouvernement avait présenté un plan de réponse socio-économique
estimé à 479 Mds FCFA sur trois ans, dont 180 Mds en 2020.

Ayant un impact similaire sur la demande agrégée et/ou l’offre agrégée des différents pays de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), la crise sanitaire liée à la pandémie du Coronavirus s’apparente à un choc symétrique. Dans une union monétaire comme l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC), la stabilisation de ce type de choc est dévolue à la politique monétaire qui est unique et mise en œuvre de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC). Toutefois, l’efficacité des décisions de politique monétaire prises par la banque centrale devrait être renforcée par les orientations des Etats en matière de politique budgétaire. Dans ce cas, une meilleure coordination des politiques budgétaires permettrait d’internaliser l’externalité et de placer le déficit agrégé de la zone à un niveau optimal, compte tenu de la réaction endogène du taux d’intérêt.

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